Dans South Park, le rappeur Kanye West accepte son statut de poisson gay. Si, si J'ai bien dit de poisson gay cliquez ici!
Avant-toute chose salutations à l'équipe du blog «Les poissons n'existent pas», membres de l'équipe qui verront immédiatement le rapport entre le nom de leur blog et le titre de mon présent message! Mais avant de savoir si oui ou non nous sommes réellement des poissons rappelons-nous déjà de notre statut de primate et plus exactement de singes anthropomorphes.
Les hommes sont des singes anthropomorphes et des singes tous courts!
En effet comme l’a dit le biologiste Jerry Coyne l’homme est singe anthropomorphe («Ape» en anglais) tout comme le sont les chimpanzés, bonobos, gorilles, Orang-outan et Gibbons, voilà un fait qu’aucun anthropologue ne conteste! Ah mais non attendez l’anthropologue John Hawks conteste les propos de Jerry Coyne et affirme que l’homme n’est pas un singe anthropomorphe! Hein quoi? Un anthropologue qui nie la parenté homme-singe? Les créationnistes ont-ils encore frappé? Caramba!
Non, non John Hawks ne s’est pas converti au créationnisme rassurez-vous! Ce dernier ne nie bien évidemment pas le fait que la lignée humaine s’enracine dans le buisson évolutif des grands singes! En revanche il insiste sur le fait que dans le langage courant le mot «Ape» désigne uniquement les singes anthropomorphe non-humains, et que cela est très bien comme ça! Car selon John Hawks en Science nous avons déjà les termes «Hominoidea» ou «Hominoïdés» pour être phylogénétiquement correct. John Hawks s’opposant au fait que l’on cherche a tout pris à changer le sens habituellement donné au mot «Ape» afin de rendre celui-ci cladistiquement correct, John Hawks allant même jusqu’à qualifier cela de «coercition orwelienne»!
Phylogénie simplifié des singes humains compris. Nous remarquons que les nous remarquons que les Humains font partie des Hominoïdes, Le terme «Ape» en anglais désignant traditionnellement tous les Hominoïdes à l'exception des Humains. John Hawks s'oppose ainsi à ce que l'on dise «Humans are Apes» à l'inverse John S. Wilkins souligne que dire «Humans are Apes» est commode pour illustré une réalité phylogénétique qui est celle de l'enracinement de la lignée humaine dans le groupe des Hominoïdes.
Bien que je comprenne l’opinion exprimée par John Hawks, je pense que celui-ci s’emballe trop et oublie que le langage lui aussi évolue. John S. Wilkins ayant parfaitement exprimé la chose dans sa réponse à John Hawks, en rappelant notamment le fait que l’on peut utiliser des termes communs du grand publique pour en modifier légèrement le sens afin d’illustrer ce que nous enseigne la phylogénie. Ainsi pour illustrer l’enracinement de la lignée humaine dans le buisson évolutif des singes anthropomorphes il est quand même plus commode de dire «Humans are Apes» que «Humans are Hominoidea» en devant de toute façon préciser pour le profane que les Hominoïdes sont des grands singes anthropomorphes!
Et donc sur ce point je donne raison à John S. Wilkins, les humains sont bel et bien des singes anthropomorphes, et même des singes tous courts! Le langage n’a pas à être figé dans le temps et puis un mot peut souvent avoir une certaine polysémie sans pour autant générer trop de confusion. Ainsi dans certains contextes le terme «Ape» peut désigner les singes anthropomorphes humains compris, et dans d’autres contextes désigner tous les singes anthropomorphes à l’exception des humains. S’opposer à pareille polysémie voilà qui serait réellement quelque peu «orwellien» comme dirait John Hawks! Et si jamais voici également une sympathique vidéo du Youtuber AronRa pour ceux qui comprennent la langue de Shakespeare!
Les oiseaux sont des dinosaures!
Cette précédente discussion sur le statut de singe de l'être humain m’amène à mentionner un échange que j’avais eu sur un forum de discussion, échange qui concernait cette fois ci le mot «Dinosaure». Un interlocuteur pour le moins borné, a affirmé que je suis «incapable de répondre à des questions classiques posées à l'agrégation de biologie, exempli gratia, sur la définition des dinosaures» Cet interlocuteur semblant exprimer un désaccord sur le fait que je définisse les dinosaures comme formant un taxon monophylétique dans lequel j’inclue donc naturellement les oiseaux!
Pour autant cet interlocuteur, ne nie pas que les oiseaux dérivent des dinosaures, simplement il semble lui aussi avoir un problème avec la définition que j’accorde ici au mot «Dinosaure», à savoir que je ne le réserve pas uniquement aux dinosaures non-aviens disparus mais que j’y inclus également l’ensemble des oiseaux. Nous retrouvons là, la même prise de tête précédemment mentionné au sujet du mot «Ape».
En effet l’idée selon laquelle le mot «Dinosaure» n’inclue pas les oiseaux est également le fait d’une «tradition» du langage courant, «tradition» qui s’explique notamment par le fait que pendant longtemps ni l’origine dinosaurienne des oiseaux, ni la monophylie des dinosaures non-aviens, n’étaient avérés. De plus les dinosaures étaient généralement perçus comme étant de grands «reptiles» à la peau écailleuse et au sang-froid, donc aussi distincts des oiseaux que le sont les lézards et les crocodiles.
Cependant ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui aussi comme l’a dit John S. Wilkins peut-être serait-il temps de faire évoluer le langage. Et dans le cas des mots «Dinosaures» et «Oiseaux» cette évolution du langage ne se justifierait pas uniquement sur la seule cladistique. En effet en 1980 déjà Stephen Jay Gould exprimait la chose via les mots suivants.
«Mais si le public demeure fasciné par l’idée que les oiseaux sont issus des dinosaures, c’est dans la mesure où ils auraient hérité leurs plumes et leur homéothermie directement des dinosaures. Si les oiseaux ont acquis ces caractères après s’être séparés des dinosaures, alors ces derniers sont du point de vue de leur physiologie de parfaits reptiles ; il faudrait alors les laisser avec les tortues, les lézards et les crocodiles et leurs cousins dans la classe des reptiles. (J’ai tendance à être plus traditionaliste que cladiste dans ma philosophie taxonomique.) Mais si les dinosaures étaient réellement des animaux à sang chaud et si les plumes leurs permettaient effectivement de conserver leur homéothermie lorsqu’ils étaient de petite taille, c’est bien des dinosaures que les oiseaux auraient hérité ce qui a assuré leur succès. Et si les dinosaures se rapprochaient plus des oiseaux que d’autres reptiles par leur physiologie, nous aurions là un argument classique, fondé sur la structure _ et non pas la seule prise en compte d’une position généalogique _ pour inclure oiseaux et dinosaures dans une nouvelle classe, les dinosauriens.» Stephen Jay Gould 1980, Le Pouce du Panda, Éditions Grasset & Fasquelle 1982 [2]
Notez la posture très «traditionaliste» de Stephen Jay Gould, celui-ci n’adhérant pas au système de classification cladistique. Plus de trente ans après que le défunt SJ. Gould ait écrit ces lignes, le système de classification cladistique a pourtant en bonne partie triomphé. Cependant malgré son traditionalisme, SJ. Gould admettait que si les dinosaures étaient homéothermes, et pour les plus petit d’entre eux à plumes, alors nous pourrions classer dinosaures et oiseaux dans un même regroupement taxonomique à savoir les dinosauriens. Or aujourd’hui les multiples dinosaures à plumes mis-à-jour dépassent de loin les espérances qu’aurait pu avoir SJ. Gould en 1980! Dès lors que bon nombre de dinosaures possédaient des plumes parfois aussi complexes et élaborées que celles de nos oiseaux actuels, il n’existe plus de raisons valables autre qu’un traditionalisme obtus et stérile, d’exclure les oiseaux du taxon des dinosaures et donc de se refuser de considérer les dinosaures comme formant un taxon monophylétique.
Cependant hormis de m’étonner, ce «traditionalisme» de SJ. Gould est d’autant plus désuet que l’idée d’un taxon nommé «reptile» ne tient plus vraiment même en basant sur la physiologie. Car comme cela a déjà été discuté dans le présent blog avec les Crocodiliens, les «reptiles» ne forment non plus pas un groupe cohérent au niveau de leur physiologie, ainsi les Crocodiliens précédemment mentionnés ont des caractéristiques physiologique davantage semblables à celles des oiseaux qu’à celles des autres «reptiles».
Phylogénie des Tétrapodes. Nous remarquons que les «reptiles» (figurant dans le rectangle coloré) ne forment pas un groupe cohérent. Et cela non seulement parce que les oiseaux n’y sont pas inclus mais également parce que bon nombre de Synapsides disparus (Les Synapside étant un clade auquel appartiennent les actuels mammifères) sont généralement considéré comme étant des reptiles. Image tiré du «Guide critique de l'évolution» page 114. [3]
Mais je ne veux pas donner l’impression de vouloir imposer ce que John Hawks nomme exagérément une coercition orwelienne du langage courant, pour rendre ce dernier compatible avec la phylogénie! Aussi je le précise nous pouvons continuer à parler de reptiles pour désigner les amniotes écailleux à sang froid, tout comme nous pouvons continuer à dire que les dinosaures ont disparus en excluant donc les oiseaux du taxon des dinosaures dans le langage courant! Peut-importe si le langage courant désigne parfois des subdivisions arbitraires et sans rigueur scientifique! Cependant nous pouvons également rappeler que le terme «reptile» est scientifiquement désuet et n’amène pas une représentation pertinente de ce que nous savons aujourd’hui sur les différents taxons d’animaux qu’englobe ce terme, tout comme nous pouvons affirmer tout aussi justement que les oiseaux sont des dinosaures!
Mais donc nous sommes également des poissons!
Et voilà qui nous amène au titre de l’excellent blog intitulé «les poissons n’existent pas», car comme les «reptiles», les poissons ne forment nullement un clade monophylétique. Le Dipneuste, poisson à poumons, étant d’avantage apparenté à nous-mêmes qu’il ne l’est à la truite, et la truite davantage apparenté à nous-mêmes qu’elle ne l’est au requin!
Phylogénie des Crâniates et des Vertébrés. Nous remarquons que les animaux que nous qualifions familièrement de poissons (figurant dans le rectangle coloré) forment en réalité un groupe paraphylétique. Image tiré du «Guide critique de l'évolution» page 114. [3]
Dans le langage courant le mot poisson désigne, grosso-modo, l’ensemble des vertébrés aquatiques munis de branchies. Et si nous voulions une définition phylogénétique de ce qu’est un poisson, il nous faudrait probablement dire «vertébré non-tétrapode», c’est-à-dire l’ensemble des vertébrés voir même l'ensemble des Crâniates non-tétrapodes. De la même manière le terme « invertébré» désigne grosso-modo l’ensemble des animaux à l’exception des vertébrés, tout simplement!
Mais donc ici n’essayez pas de contrer la définition familière du mot «poisson» pour tenter d’en faire un taxon monophylétique parce que sinon nous voici à inclure l’ensemble des tétrapodes dans le taxon des «poissons»! C’est pourtant ce qu’a fait Brian Switek non sans-humour et en précisant qu'il ne s'imaginait pas pour autant que la signification communément attribuée au mot «poisson» allait changer! Mais donc si vous vous prêtez vous-aussi au jeu pour affirmer que nous sommes des poissons, alors grande sera l’ironie! Pourquoi? Parce que dorénavant lorsqu’une personne vous dira «Oh les dauphins sont des poissons drôlement intelligents», vous ne pourrez plus faire le malin en rappelant à cette personne que les dauphins ne sont pas des poissons mais des mammifères, car la personne en question pourra alors vous rétorquer «Mais les mammifères sont des poissons»! Bien que pour se la jouer nous pouvons toujours affirmer que les tétrapodes sont également des poissons et que donc l’ensemble des vertébrés sont des poissons, juste histoire de s’adonner à un petit rappel ludique à tous ceux qui n’ont pas compris la phylogénie et la cladistique!
Bref polysémie des mots oblige rien n’empêchera les petits cladistes pédants que nous sommes d’affirmer que l’homme est un poisson au cours de soirées bien arrosées!
Références:
[1] Carl Zimmer (2011), Histoires de plumes; Quand les poules avaient des dents, National Geographic France 2011
[2] Stephen Jay Gould (1980), Le Pouce du Panda, Éditions Grasset & Fasquelle 1982
[3] Guillaume Lecointre (2009), Guide critique de l'évolution, Édition Belin 2009
Très bon. Merci au café des sciences de m'avoir guidé jusqu'ici.
RépondreSupprimerThanks pour ce commentaire encourageant!
RépondreSupprimerEt si jamais Le C@fé des Sciences mène à tout une série d'autres blogs tous plus intéressants les uns que les autres, n'hésite à ce titre pas à consulter la liste des excellents blog en question! ;-)
Merci beaucoup de nous citer ! Je suis content que ce sujet soit traité de cette manière ici ! Mais en tant que systématicien et donc chipoteur je vais me permettre de faire quelques remarques :) Et désolé de répondre si tard ! Attention, long commentaire...
RépondreSupprimerPour moi cette question reste assez complexe et demande pour être clair de faire la distinction entre plusieurs choses : taxinomie, nomenclature et cadre théorique dans lequel on se place (ici la cladistique donc je resterai là dessus). La taxinomie est la discipline qui permet de classer : elle donne les propriétés et les définitions des groupes établis par la systématique (systématique et taxinomie sont en réalité étroitement imbriquée de telle manière qu’il est dur de faire la différence). La nomenclature est simplement la science des noms : c’est la discipline (non scientifique en passant, contrairement à la taxinomie) qui donne les noms aux classes reconnues par la taxinomie. C'est une discipline arbitraire. Une taxinomie sans nomenclature est envisageable mais… impraticable ! Il est vraiment important de faire la distinction entre les deux au risque de ne pas pouvoir résoudre certains problèmes. Le problème de savoir si on est des poissons est en fait un problème de nomenclature. Poisson, comme tu l’as dit est maintenant polysémique, c’est à dire qu’il a plusieurs sens. Soit dit en passant dans une bonne nomenclature c’est inacceptable. En fait il y a deux concepts : Poisson-c1 et poisson-c2 tous deux portant le même nom : poisson. C’est un cas d’homonymie. Poisson-c1 est le concept paraphylétique (vertébrés non tétrapodes, qui en passant n’est pas une définition phylogénétique puisque c’est un groupe paraphylétique donc non accepté en phylogénie moderne). Poisson-c2 lui est le concept monophylétique incluant les tétrapodes. Le problème est que la classe Pisces, elle acceptée par la nomenclature n’as jamais désigné poisson-c2. Il est donc possible que dire « poisson » entraîne une confusion puisque le concept appelé dans la tête des gens sera toujours poisson-c1, sauf pour de rares cladistes avertis ayant emprunté cette nomenclature !
Le problème est que tous ces auteurs que tu cites font très probablement abstraction du problème de nomenclature (je ne sais pas dans les détails mais je parierais que c’est le cas), et c’est normal, ils discutent du vocabulaire courant et non pas scientifique ! En taxinomie on ne change pas un nom comme on le veut : il faut suivre des règles et donner une description et/ou une redéfinition. Beaucoup d’auteurs en général confondent allègrement nom vernaculaire et nom scientifique (poisson vs Pisces, considérant l’un comme équivalent à l’autre), le nom scientifique étant posé par un acte nomenclatural. L’abandon flagrant des évolutionnistes actuels des questions barbantes de nomenclature entraîne ce genre de discussions confuses. Changer le concept derrière le terme Pisces doit se faire selon un acte nomenclatural.
Si on suit par ailleurs réellement le raisonnement du « nous sommes des poissons », l’homme est un procaryote, protiste, invertébré, acoelomate etc. ce qui pose de sérieux problèmes de confusion.
(Je dois séparer le commentaire en deux, désolé, je n'en ai plus pour longtemps ^^)
Au final je dirais que lorsqu’on veut utiliser ces termes il faut simplement annoncer la couleur et dire quelle position on prend au cas par cas. Pour ma part je ne sais pas trop : j’emploie « dinosaure » en comprenant les oiseaux mais préfère éviter le terme poisson. Pourtant le problème est exactement le même. Je dirais donc que c’est peut-être une question de valeur historique du terme employé… Il est plus facile d’accepter les oiseaux comme des dinosaures que de nous accepter nous ou les oiseaux comme des poissons.
RépondreSupprimerUne dernière remarque par rapport au nom de notre blog qui est bien sûr une provocation : « les poissons n’existent pas » est plus rhétorique qu’exacte. En effet, poisson comme je l’ai dit désigne un concept. Un concept n’ « existant » pas dans la nature, il ne peut pas exister ou pas mais il peut être vrai ou faux. Pour être très exact (et chiant par la même occasion ^^) il faudrait dire « le terme poissons dans son sens traditionnel désigne un concept qui est faux en termes cladistiques ».
Voilà, j’espère ne pas avoir été trop « casse-nageoires ». En tout cas je suis content de voir le problème soulevé ici :) Merci pour ce billet !
Salut Nicobola
RépondreSupprimerTout d'abord rassure-toi tu n'es pas chiant du tout au contraire c'est un intéressant complément à mon article que tu fait ici. La différenciation des concepts que peut cacher un seul et même mot (notamment si l'on se trouve dans le registre vernaculaire ou à l'inverse familier) et l'importance de la valeur historique accordé aux mot lorsqu'on emploie ces derniers dans le langage familier, sont de nécessaires rappels.
Le langage est à la fois nécessaire à l'expression et donc à la compréhension du monde qui nous entoure mais il est également source de contraintes notamment historiques.
Tient il faudra que je remette la main sur un essai de Stephen Jay Gould où celui-ci mentionnait, me semble-t-il, les contraintes historiques du langage pour illustrer les contraintes historiques (ici morphologiques) dans l'évolution des organismes. Ca pourrait également être intéressant!
Aller merci encore pour ton présent commentaire!
Cordialement
Hans