lundi 16 mai 2011

L'évolution limitée du créationniste Doug Axe

Dans un message précédent j’ai expliqué en quoi les déductions du créationniste Michael Behe sur une évolution si limitée que la biodiversité et complexité du vivant telles que nous les connaissons aujourd’hui ne peut s’expliquer par la dite évolution mais impliquerait l’intervention d’un concepteur intelligent dont la nature et les méthodes ne sont bien sûr jamais décrites et expliquées par les prêcheurs du «Discovery Institute».

Qu’on se le dise le «Discovery Institute» est une organisation idéologique dont l’objectif à peine voilée est la promotion d’une forme particulière de créationnisme, donc la promotion d’une pseudo-science dont l’objectif est de rétablir la transcendance comme «mécanisme explicatif», bref une violation même de ce qu’est la science.

Ainsi le «Discovery Institute» est constitué de philosophes et de théologiens, mais comme nous l’avons vu avec Michael Behe cette organisation s’appuie également sur quelques «scientifiques» sensé faire office d’autorité en matière de réfutation de la biologie de l’évolution.

Or depuis le milieu des années 2000, Michael Behe s’est vu rejoint par un autre collègue à savoir un dénommé Doug Axe et donc la spécialité est de publier des papiers qui prouveraient que l’évolution de nouvelles protéines est si improbable que les protéines qui existent actuellement (et par extension les êtres vivants qu’elles constituent), n’ont pas pu évoluer par les mécanismes naturels, si bien que seul un concepteur intelligent pourrait expliquer l’existence des protéines en questions et donc à fortiori de la biodiversité et de la complexité du vivant telles que nous les connaissons actuellement.

Pour se faire et pas plus tard qu’en ce début d’année 2011 Doug Axe aidé d’une collègue nommée Ann Gauger, ont publié un papier sensé démontré que le passage d’une enzyme nommé Kbl2 à une enzyme nommé BioF2 est hautement improbable, si improbable qu’elle ne pourrait se produire dans la Nature et cela parce que pour passer de l’enzyme Kbl2 à l’enzyme BioF2 il faudrait plusieurs mutations et plusieurs changements d’acides aminés à la clef!

Sans entrer dans les détails (je laisse aux intéressé consulter les références et les liens qui accompagne mon présent message), ces deux enzymes sont très similaires dans leur formes mais accomplissent des fonctions très différentes. Or il s’avère donc selon Doug Axe et sa collègue Ann Gauger que l’évolution de l’enzyme Kbl2 à BioF2 demanderait 10^30 générations pour se réaliser et serait donc si improbable qu’elle n’aurait donc selon toute vraisemblance pas avoir eu lieu dans la nature, l’organisation créationniste nommé «Discovery Institute» allant plus loin en affirmant que cela va dans le sens d’une impossibilité de l’évolution de l’ensemble des enzymes et de leurs fonctionnalités respectives tel qu’on l’observe dans la nature. Le pire étant que dans un article du «Biologic Institute», un site affilié à l’organisation créationniste «Discovery Institute», Doug Axe affirme également que ces recherches ont réellement des implications sur la «faisabilité» de l’évolution!

Bien évidemment on s’en doute le papier de Doug Axe et Ann Gauer (tout comme les autres papiers de Doug Axe ou encore les papiers de Michael Behe) ne peuvent en aucun cas constituer des réfutations de la «faisabilité» de l’évolution de nouvelles protéines et de nouvelles fonctions dans la Nature. D’ailleurs pour s’en convaincre on peut noter plusieurs choses.

1. Premièrement le papier de Doug Axe et Anne Gauer a été publié par le journal intitulé «Bio-Complexity» à savoir un journal fondé par le «Discovery Institute» lui-même et dont Doug Axe et Ann Gauer sont eux-mêmes des membres du conseil de publications! Niveau garanti d’objectivité on peut difficilement faire pire!

2. Sans être spécialiste en matière de probabilité on peut légitimement douter de leurs inférences statistiques voulant qu’il faudrait 10^30 générations pour passer d’une enzyme à l’autre. Car bon contrairement à Michael Lynch, Doug Axe et Ann Gauer affirment que l’accumulation de plusieurs mutations neutres n’a qu’extrêmement peu de chance statistiquement de mener à l’apparition de nouvelles enzymes et de nouvelles fonctionnalités. Cependant peut-on réellement affirmer au vue de certaines constatations issues de l’expérience de Lenski et d’autres études de cas, que les conclusions de Michael Lynch sont fausses et celles de Doug Axe et Ann Gauer valides en tous points? Il semble bel et bien que non!

3. Comme réfutation de la «faisabilité» de l’évolution de nouvelles protéines, la publication de Doug Axe et Anne Gauer est inapproprié et non-pertinente, car elle fait ses supputations statistiques sur deux protéines contemporaine, c’est-à-dire un supposé scénario dans lequel nous passerions d’une enzyme contemporaine à une autre enzyme contemporaine et non pas d’une enzyme ancestrale à une enzyme actuel.

Or donc comme l’on déjà souligné Jack Scalan et Steve Matheson (Steve Matheson cites d’ailleurs deux études récentes datant de 2010 et de 2011 n’allant pas vraiment dans le sens des déduction de Doug Axe et Ann Gauer) on ne peut guère s’adonner à ce genre d’inférence évolutive à partir en cherchant des transitions entre deux enzymes contemporaines. C’est comme si l’on voulait tester l’évolution en faisant une inférence sur les changements nécessaire pour passer d’un crocodile à un oiseau. Cela ne marche pas car le crocodile et l’oiseau ne sont pas issu l’un de l’autre, mais partagent un ancêtre commun. L’évolution des organismes mais aussi des protéines est contrainte, c’est-à-dire qu’effectivement certains changement sont très improbables voire impossible en raison des contraintes acquises au fil de l’évolution. Par exemple les baleines ne récupéreront probablement jamais leur membres postérieurs et comme l’avait souligné Joseph Thorton, les protéines ne pourront probablement jamais évolués vers la forme ancestrale dont elles sont issues, cela confirmant dans une certaine mesure la Loi de Dollo conceptualisé par le scientifique du même nom au 19ème siècle déjà. C’est d’ailleurs selon ce même principe que des organismes et des protéines ne peuvent très probablement pas évoluer vers des formes contemporaines, car chacune de ces dernières, a hérité de contraintes structurales propres à sa lignée respective.

Aussi on ne peut prétendre démontrer la «non-faisabilité» de l’évolution d’une nouvelle enzyme ou même d’une nouvelle espèce en faisant des supputations sur les transitions possibles de deux enzymes/espèces contemporaines c’est même là une chose de complètement fallacieuse et absurde. En réalité pour vérifier la faisabilité d’une pareille évolution il faut d’avantage tenté de reconstituer ce à quoi pouvait ressembler l’ancêtre hypothétique possible d’une enzyme/protéine et tenter de vérifier la faisabilité de pareille évolution à partir de l’ancêtre hypothétique en question. Certes la méthodologie est plus contraignante et implique des analyse phylogénétique approfondi pour reconstitué l’ancêtre hypothétique en question (pour l’évolution des espèces le registre fossile est une aide précieuse qui a déjà fait ses preuves) mais donc là au moins le résultat obtenu sera suffisamment pertinent pour que l’on puisse juger de la faisabilité ou non de pareille évolution.

En fait chose amusante si l’on poussait le vice du sophisme utilisé par Doug Axe et Ann Gauer ont pourrait en arriver à affirmer que l’évolution est falsifié car l’on a jamais pu démontrée qu’un brocoli a évolué pour donner à naissance une Gerbille!

L'ultime preuve de la «non-faisabilité» de l'évolution!


4. Le papier de Doug Axe et Ann Gauer semble ignorer de façon pour le moins étrange de multiples travaux sur l’évolution de nouvelles enzymes voir même de nouvelles voies métaboliques, cela rendant pour le moins à côté de la plaques leurs conclusions sur le trop faible probabilité d’apparition de nouvelles enzymes et de nouvelles fonctions. On peut notamment cité une récente étude sur l’évolution d’un nouveau gène codant une protéine anti-gèle au sein d’une espèce particulière de poisson ou une autre étude sur l’apparition d’une nouvelle protéine au sein d’une lignée de champignons. En fait Doug Axe et Ann Gauer sont même totalement à côté de la plaque concernant ces dernières!

Bref sans même entrer dans les détails il s’avère que Doug Axe et Ann Gauger n’amènent strictement aucun élément démontrant que l’évolution des protéines est d’une telle improbabilité qu’elle n’a pas pu avoir lieu dans nature. En fait en affirmant que leurs «travaux» montrent une pareille improbabilité de l’évolution, Doug Axe et Ann Gauger ne font que s’attaquer à des épouvantails, c’est-à-dire à une caricature grossière de ce qu’est l’évolution le tout en ignorant les résultats intéressant d’autres équipes de chercheurs en matière d’évolution des protéines. Doug Axe et Ann Gauger me font personnellement d’avantage de la peine qu’autre chose, car brasser ainsi du vent pour tenter d’amener un semblant de crédibilité (ce que n’amènent même pas leurs publications), à un mouvement créationniste, c’est pour le moins navrant.

Et pendant qu’ils se fourvoient à ce genre de futilités aussi inutiles qu’à côté de la plaque, la recherche scientifique progresse sans eux, la compréhension en matière de biologie de l’évolution ne cesse de s’accroitre. Sans même le savoir eux-mêmes, probablement englués dans leurs propres préconceptions métaphysiques et confusions épistémologiques, Doug Axe et Ann Gauer sont la parfaite illustration du résultat déplorable auquel peut mener!

Références:



Michael A. Fisher, Kara L. McKinley, Luke H. Bradley, Sara R. Viola, Michael H. Hecht (2011), De Novo Designed Proteins from a Library of Artificial Sequences Function in Escherichia Coli and Enable Cell Growth, PLoS ONE

Jeffrey E. Barrick, Mark R. Kauth, Christopher C. Strelioff and Richard E. Lenski (2010), Escherichia coli rpoB Mutants Have Increased Evolvability in Proportion to Their Fitness Defects, Molecular Biology and Evolution

Jamie T. Bridgham, Sean M. Carroll, Joseph W. Thornton (2006), Evolution of Hormone-Receptor Complexity by Molecular Exploitation, Science

Jamie T. Bridgham, Eric A. Ortlund3 & Joseph W. Thornton (2009), An epistatic ratchet constrains the direction of glucocorticoid receptor evolution, Nature

Jing Cai, Ruoping Zhao, Huifeng Jiang and Wen Wang (2008), De Novo Origination of a New Protein-Coding Gene in Saccharomyces cerevisiae, The Genetic Society of America

Cheng Denga, C.-H. Christina Chengc, Hua Yea, Ximiao Heb, and Liangbiao Chena (2011), Evolution of an antifreeze protein by neofunctionalization under escape from adaptive conflict, Proceedings of the National Academy of Sciences

4 commentaires:

  1. Doug Axe a aussi été publié dans le JMB pour le même genre de travaux ce qui détruit toute ton argumentation quand tu dit qu'il n'est publié que dans Bio-Complexity. Il faut accepter que l'évolution n'a rien de scientifique, c'est juste une jolie histoire, normalement ce que le scientifique à de plus que les autres individu c'est qu'il n'a aucun mal à être ouvert à toutes pensées et accepte de s'être trompé, donc agit scientifiquement et abandonne l'évolution. Par exemple renseigne toi sur les travaux de Penrose à propos des probabilité pour que le monde soit apparu par hasard

    Bonne continuation

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    1. Bonjour Unknown

      Non ça ne détruit rien du tout, l'étude que tu cites ici ne constituait nullement une preuve davantage concluante et fut déjà réfuté par la suite. Le problème de Doug Axe est qu'il sélectionne des cas particuliers et généralise à partir de ceux-ci, c'est exactement ce dont il est question dans le présent article et que tu sembles ignorer-

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