dimanche 16 décembre 2012

Sprandels, évolution neutre et «psychologie évolutionniste»


Récemment  Xochipilli a rédigé un très intéressant billet critiquant une brève sur des chercheurs qui auraient mis en avant que les hommes préfèrent les femmes qui leur ressemblent physiquement. Ce qui a agacé Xochipilli (et qui m'agace aussi) dans cette brève est que pour les résultats de l'étude mentionnée [1] la journaliste (mais aussi les auteurs de l'étude en question), semble privilégier une hypothèse adaptationniste, c'est-à-dire ici l'idée selon laquelle il y aurait un avantage adaptatif dans le fait de privilégier des femmes qui nous serait physiquement (et génétiquement) proche! Les auteurs de l'étude affirment par exemple que cette préférence des hommes pour des femmes qui leur ressemblent serait un moyen d'éviter la dépression hybride avec donc en toile de fond l'idée que les individus issus de parents génétiquement plus dissemblables aurait un Fitness (c'est-à-dire une «valeur sélective») moindre par-apport aux individus issus de parents génétiquement plus proches! Chose d'ici purement spéculative (la dépression hybride étant très contextuelle et donc à l'inverse dans d'autres contextes particuliers le mélange entre individus génétiquement très distincts peut s'avérer bénéfique) et dont on se demande à quoi cela correspond concrètement! Ainsi a-t-on réellement des preuves solides voulant que le fitness d'une personne est inversement proportionnel à la divergence génétique de ces deux parents? À ma connaissance non! Et plus généralement que dire des populations (comme celles du Brésil) issues du mélange de populations ayant des caractéristiques physiques sensiblement différentes? En ajoutant qu'en remontant suffisamment loin dans l'Histoire de l'Humanité ce genre d'exogamie à grande échelle se retrouve dans toutes les populations humaines!

 Qui se ressemble s'assemble.....ou pas!

Il est clair que chercher une raison adaptative à cette plus grande ressemblance des individus en couple que ne le sont deux individus pris au hasard (en moyenne car les exceptions sont nombreuses) dans la population, demeure du registre de la spéculation pure. Et ce qui a agacé Xochipilli et moi-même, c'est aussi que les dites spéculations renvoient à une vision pour le moins caricaturale de l'évolution, à savoir toujours chercher une raison adaptative à toute caractéristique qu'elle soit morphologique et comportementale, chose qu'a justement critiqué à juste titre Xochipilli. Cependant c'est là qu'un autre membre du C@fé des Sciences, Homo Fabulus, est intervenu car s'est senti lui-même agacé par cette critique de l'adaptationnisme. Un des reproches qu'Homo Fabulus formule contre nous autres les «Gouldiens», c'est que nous nous priverions «de la seule théorie que la science possède pour expliquer la fonctionnalité en biologie»! Bien évidemment je comprend ce qui a pu à priori agacé Homo Fabulus. Cependant je pense qu'il y a eu quiproquos car ni Xochipilli ni moi-même, ne rejetons toute explication adaptative à la fonctionnalité. Le problème étant plutôt que (1) rien ne permet d'affirmer que les résultats de l'étude précédemment mentionnée reflète réellement une «disposition fonctionnelle et/ou adaptative de l'esprit» et que (2) si la sélection naturelle a bien évidemment une grande importance dans l'évolution de la fonctionnalité d'autres facteurs et processus ont également une importance tout aussi majeure dans l'évolution de la dite fonctionnalité! Et pour mieux comprendre tout cela je reviens sur certains des propos qu'avait exprimé d'Homo Fabulus ici en expliquant plus en détail les points que je mentionnes ci-dessus.
«La pléiotropie, les contraintes phylogénétiques, développementales ou simplement physiques, le hasard, tout ça n’a aucune raison de produire de la fonctionnalité (des organismes adaptés à leur environnement). Ca peut arriver mais la proba est extrêmement faible.» Homo Fabulus
Je pense que le passage important des présents propos d’Homo fabulus est «n’a aucune raison de produire de la fonctionnalité» (si jamais Homo Fabulus me corrigera sur ce point), cela faisant référence au caractère non-adaptatif (tout du moins pas toujours) des contraintes, de la pléiotropie et du «hasard» (faisant probablement et notamment référence au caractère aléatoire des mutations et de la dérive génétique). Or j’ai un petit problème avec cette assertion, car en réalité ces différents points (pléiotropie, contraintes et hasard) ont une très grande importance dans l’évolution des adaptations.

J’avais déjà eu l’occasion de discuter en partie de cela dans ce précédent message. Mais donc pour résumer ce dernier l’accumulation de mutations neutres, voir même faiblement délétères, peuvent déterminer des contraintes empêchant certaines innovations et adaptation mais aussi à l’inverse ouvrir la voie à de futures adaptations! C’est notamment ce qu’avait pu mettre en avant le généticien Michael Lynch [2] [3] , de l'expérience de Lenski [4] mais qui a également reçu l’appui du biologiste Joseph W. Thornton avec en toile de fond l’épistasie [5]. Épistasie qui semble avoir une très grande importance dans l'évolution de nouvelles fonctions! [6]

Parfois l'apparition de nouvelles fonctions à partir d’une séquence d’ADN fonctionnelle (ou non-fonctionnel) demande parfois que plusieurs modifications génétiques (mutations) aient lieu. Ainsi parfois l’apparition d’une nouvelle fonction nécessiterait que plusieurs mutations se produisent sur une séquence d’ADN donné (ou même sur des régions du génome relativement éloigné) ce qui est en soit un événement très improbable statistiquement parlant. Or individuellement les mutations sont donc soient neutre, voir même parfois faiblement délétères, dès lors comment aboutir au maintient de plusieurs mutations neutres et/ou faiblement délétères au sein des populations? Simple par simple dérive génétique!Ainsi les diverses variations neutres et/ou faiblement délétères qui persistent au sein des populations peuvent un jour s'avérer entrer en jeu dans l'élaboration de nouvelles fonctions adaptatives. Ainsi l'évolution neutre aurait un rôle prépondérant dans l'évolution de nouvelles adaptations.

Et pour enfoncer le clou le même Joseph W. Thornton a montré que l’évolution neutre, via le maintient (voir la fixation) de «mutations dégénératives», peut mener à l’apparition de structures complexes et même «irréductiblement complexes» (eh oui l’évolution neutre participant à la «complexité irréductible» prenez-ça dans les dents amis créationnistes) [7] or si comme nous le montre la précédente étude mentionnée ici la complexité peut s'accroître sans évolution de nouvelles fonctionnalités on imagine aisément les contraintes structurales que peuvent représenter et/ou imposer pareils structures notamment en matière d’irréversibilité et/ou d'évolution de nouvelles adaptations et/ou fonctions!

Bref l’évolution neutre n’a aucune raison (entendez par-là «raison adaptative») de produire de la fonctionnalité et pourtant il semble qu’elle ait pourtant une très grande importance dans l’apparition ou non de diverses contraintes et adaptations donc dans l'apparition ou non de nouvelles fonctions (même si bien sûr la sélection naturelle entre en jeu à un moment ou à un autre)! Eh oui la probabilité de voir une mutation neutre perdurer sur le long terme et/ou se fixer est extrêmement faible. Et pourtant sur le nombre très important de mutations neutres apparaissant à chaque génération un nombre important parviennent à perdurer voir même pour certaines à se fixer et certaines ne seront donc pas sans conséquences pour l’avenir «adaptatif» et donc évolutif d’une espèce ou tout du moins d’une population. De la même manière chaque espèce avec la combinaison de caractères et d’adaptation qui la caractérisent, avait des chances extrêmement faibles d’apparaître. Le fait que l’évolution neutre puisse avoir une telle importance dans l’adaptation et dans l’évolution à long terme renforce par ailleurs l’idée que l’évolution est extrêmement contingente!

Bref l’évolution neutre a une importance souvent méconnue du grand public!
«Pour Gould, la question de savoir si un trait a été sélectionné en premier lieu pour tel ou tel avantage adaptatif ne me paraît pas très intéressante. Pour moi le plus intéressant c’est de montrer qu’un trait procure un avantage adaptatif, après qu’il ait été secondaire ou pas c’est un autre problème.» Homo Fabulus

En tant que passionné de biologie de l’évolution je ne comprends pas comment on peut ne pas trouver cela intéressant! Car bien évidemment c’est intéressant de savoir si un trait représente oui ou non un avantage adaptatif, mais il est tout aussi intéressant de savoir si ce trait à réellement été initialement sélectionné pour le rôle qui est le sien aujourd’hui. Souvenons-nous des intéressante théories concernant l’évolution des ailes des oiseaux. Il n’est quand même pas inintéressant de se demander si les longues et complexes plumes des avant-bras de certains dinosaures non-aviens avaient des fonctions tout autres que le vol plané!

Mais en bon Gouldien je vais aller plus loin en revenant sur un très intéressant concept de Stephen Jay Gould à savoir les «Sprandels», ce concept nous permettra même d’amener quelques pistes de réflexions en matière de psychologie évolutionniste! En effet selon SJ. Gould l’apparition puis la fixation de caractéristiques adaptatives peut mener à l’apparition et la fixation de caractéristiques parfaitement non-adaptatives, caractéristiques qu’il nomme des «sprandels». [8] [9] Qu’est-ce qu’un sprandel? Le terme «sprandel» est difficile à traduire, mais si l’on reprend la métaphore Gouldienne il faut comprendre «Écoinçons». L’écoinçon n’a pas de «raison d’être» en tant que volonté de l’architecte mais il est une contrainte ou une résultant architecturale inévitable de la décision de concevoir un dôme ou un voûte (voir le schéma ci-dessous).

Dôme et voûte avec leurs écoinçons (Sprandels) en gris. Les écoinçons ne sont pas un but architecturale en soit mais une contrainte ou une conséquence architecturale s’imposant de facto lors de l’élaboration de pareils dômes et/ou voûte. Les écoinçons étant ensuite souvent exploités par les artistes pour y sculptés et/ou peindre divers motifs décoratifs.

Or la même chose existe en biologie, c’est-à-dire qu’un trait adaptatif peut imposer l’apparition de facto d’un autre trait non-adaptatif mais dont l’individu porteur s’accommode plus ou moins bien voir même dans certains cas l’exploite à son avantage. Bien pour mieux le comprendre venons-en tout de suite aux exemples!

Les douleureux sprandels des hyènes femelles

C’est là un exemple qu’avait déjà développé par Xochipilli dans ce présent billet. Xochipilli explique en détails en quoi le clitoris hypertrophié (péniforme) des hyène femelles constitue un handicap car rendant les accouchements des hyène extrêmement douloureux avec qui plus un fort taux de mortalité. Xochipilli revenant ensuite sur une explication purement darwinienne selon laquelle le clitoris surdimensionner des hyène aurait été positivement sélectionnés car étant utilisé par les hyène dans le cadre d'un rituel de rencontre entre membres de clans différents (où sauf erreurs les hyènes se lécheraient alors le clitoris). Bien évidemment Xochipilli souligne le caractère peu convaincant de ces explication adaptationniste notamment en citant Stephen Jay Gould lui-même:

«On peut envisager un autre scénario, beaucoup plus vraisemblable à mon sens. Je ne doute pas que la particularité fondamentale de l’organisation sociale chez les hyènes –grande taille et dominance des femelles- soit une adaptation à quelque chose. Le moyen le plus aisé de parvenir à une telle adaptation serait une augmentation marquée de la production d’hormones androgènes par les femelles [avec] des conséquences automatiques –parmi celles-ci, un clitoris péniforme et un faux scrotum. Une fois que ces effets sont là, ils peuvent acquérir, par évolution, une utilité comme pour le rituel de rencontre. Mais leur utilité actuelle ne doit pas sous-entendre qu’ils ont été directement mis en place par la sélection naturelle dans le but qu’ils remplissent à présent.» Stephen Jay Gould

Donc cette masculinisation à l’extrême des organes génitaux des hyènes femelles avec toutes les conséquences néfastes que cela entraîne en matière d’accouchement, ne serait nullement une adaptation mais la conséquence «structurale» d’une adaptation autre (par exemple une plus grande agressivité), donc un véritable sprandel! Certes Xochipilli cite une étude qui remettrait en question cette explication Gouldienne car le clitoris surdimensionné des hyènes ne serait pas le simple fait des hormones androgènes [10]. Cependant hormis le fait que le rôle des hormones androgènes ne soient pas totalement rejeté, les facteurs génétiques et développementaux à l'origine de la masculinisation des organes génitaux des hyène femelles sont passablement complexes [11] et pas forcément incompatibles avec l'existence de facteurs communs pour l'agressivité et la virilisation des organes génitaux féminins des hyènes. Et d'ailleurs certains résultats concordent au moins en partie avec l'explication Gouldienne. [12]. Il faut dire que quelque soit l'explications exacte du Clitoris surdimensionné des hyènes, celui-ci demeure donc indiscutablement un fardeau lors de l'accouchement. Mais donc ce clitoris malgré l'inconvénient évident qu'il représente aurait donc été «détourné» par les hyènes utilisant donc ce clitoris péniforme pour leurs «rituels de rencontre» c'est ce que Stephen Jay Gould appellerait lui-même une exaptation.

Et tant qu'on y est voici un autre exemple d'exaptation

L'exemple de la hyène ci-dessus est intéressant car la fonctionnalité du clitoris surdimensionné de la hyène dans le cadre de «rituels de rencontre», ne signifie donc pas forcément que le clitoris surdimensionné a été sélectionné à cet effet, ni même qu'il a été sélectionné pour une autre raison. Ce clitoris péniforme ne serait donc probablement qu'une conséquence structurale sans valeur adaptative, et la fonction qu'a trouvé la hyène à ce clitoris n'est pas en soit le fruit de la sélection naturelle mais souligne parfaitement ce qu'a souligné Xochipilli dans sa réponse à Homo Fabulus à savoir que: «l’individu fait une utilisation optimale de ce qu’il reçoit comme phénotype», ou simplement que l'individu fait au mieux avec ce qu'il reçoit comme phénotype!

Pléiotropie et sprandels

La pléiotropie désigne grosso modo le fait qu’un même gène peut avoir un impact sur des multiples traits, traits qui n’ont pas forcément de rapport direct les uns avec les autres. Par exemple un gène affectant l’agressivité aurait également un impact dans le développement des dents de sagesse, et une mutation affectant ce gène pourrait affecter ces deux traits (agressivité et dent de sagesse) simultanément. Dès lors on imagine très bien l’importance que pourrait avoir la pléiotropie dans l’évolution des organismes à ce titre mentionnons par exemple l’expérience des Renards de Bieliaiev. [13]

Sans détaillé l’expérience ici retenons simplement que celle-ci visait à sélectionné chez des Renards de l’espèce Vulpes vulpes (ici en partant d'une population de Vulpes vulpes au pelage argenté), des caractéristiques comportementale propices à l’apprivoisement. Bref les éleveurs participant à l’expérience favorisaient les individus les moins farouches et les moins agressifs de manière à obtenir une variante domestique similaire à ce que les hommes ont obtenu avec les loups à savoir les chiens.


 Renard issu de l'expérience de Bieliaiev, notez sa queue enroulée.

Or surprise l’expérience a abouti avec cependant des résultats supplémentaire, puisque nous seulement les chercheurs parvinrent à obtenir des Renard plus dociles mais en plus ceux-ci avait acquis des caractéristiques morphologiques nouvelles, notamment des pelages de couleurs différentes ainsi qu’une queue se dressant vers le haut voir même s’enroulant, des oreilles tombantes etc, etc….. Bref il semblerait que les caractéristiques génétiques favorisant un comportement plus propice à la domestication ait également un impact sur des caractéristiques morphologiques. Et chose surprenante certaines de ces dernières se retrouvent également chez les chiens.

Ainsi les résultats de cette expériences (comme d’autres études avec d’autres organismes) nous enseignent que certaines caractéristiques phénotypiques ont pu se fixer non pas parce qu’elles représentaient des adaptations en tant que telles mais simplement parce qu’elles étaient «liés génétiquement» par pléiotropie à d’autres caractéristiques phénotypique qui elles ont réellement été positivement sélectionnées. Bien évidemment l’importance relative de la pléiotropie dans l’évolution reste sujette à discussion [14] [15], mais celle-ci est donc une réalité qui ne peut être négligée.

Les tétons masculins comme sprandels!


Mais à quoi peuvent-ils bien servir?

Eh ben oui, à quoi peuvent bien servir les tétons chez la gente masculine. Chez les femmes la fonction adaptative des tétons est évidente, l’allaitement. Mais pourquoi diable les hommes ont eux aussi des tétons? On pourrait s’en passer non? Tout comme on se passe bien d’ovaires et d’utérus! Mais non rien à faire les tétons persistent chez les mâles! Certes on pourrait toujours trouver une lointaine raison adaptative pour les tétons. Ou alors mentionner la sélection sexuelles (les femmes trouveraient les tétons masculin attirant) mais bof pas terrible comme explications non?!

Il existe cependant probablement une raison plus simple à cela: Les hommes ont des tétons parce que les femmes en ont besoin!

Hein quoi?!

C’est assez simple à comprendre, les tétons sont clairement adaptatifs pour les femmes et donc pour la pérennité de l’espèce (allaitement oblige), mais les divers gènes, mécanismes et contraintes développementaux permettant l’élaboration des tétons féminins se retrouve également chez les fœtus et individus de sexe masculin. La différenciation génétique XX et XY ne change rien quant au fait qu’un embryon puis un fœtus masculin va se retrouver avec des facteurs génétiques et contraintes développementales aboutissant à l’élaboration de tétons. Et donc les hommes se retrouveront inéluctablement avec des tétons car les contraintes génétiques et développementales font qu’à l’inverse de l’utérus, il ne peut y avoir de mâles sans tétons à partir du moment que les femelles en ont également!

Des sprandels psychologiques?

Eh oui si les caractéristiques morphologiques ne sont pas toutes des adaptations mais des sprandels pourquoi n’en serait-il pas de même pour notre psyché et donc une part non-négligeable de nos comportements? Et comme nous discutons biologie de l’évolution, ne nous arrêtons pas à l’espèce humaine mais intéressons-nous aux plus proches cousins de cette dernière, à savoir les chimpanzés. Nous le savons les chimpanzés sont nos plus proches cousins et ont des caractéristiques comportementales similaires à celles des êtres humains, y compris donc des émotions similaires aux nôtres. Or l’histoire tragique d’une maman chimpanzé et de son petit nous rappelle à quel point ces animaux sont similaires à nous-mêmes. En effet une maman chimpanzé nommé Jire par les observateurs, a continué à porter le corps de son fils Jokro décédé durant les 27 jours qui ont suivis la mort de ce dernier! [16]

Femelle chimpanzé portant sur son dos le cadavre en décomposition de son petit mort depuis déjà plusieurs semaines. Ce comportement n'a en soit rien d'adaptatif pas plus que la détresse et le chagrin que manifeste cette femelle chimpanzé. Ce comportement est avant tout la «conséquence» d'aptitude cognitives apparues et/ou sélectionnée pour d'autres raisons que celle que manifeste ici cette femelle chimpanzé.

La femelle chimpanzé est réellement affecté au niveau émotionnel par la mort de son petit, si bien que même mort elle refuse de s’en séparer. Le fait que cette femelle chimpanzé a réellement de la peine au sens humain que l’on accorde à ce dernier mot.

D’un point de vu sélectif la peine et le comportement dont témoigne cette femelle chimpanzé n’est cependant nullement optimal évolutivement parlant. Le plus optimal aurait été d’abandonner son petit dès sa mort (voir même avant quand il était mourant) puis si possible déjà aller courtiser des mâles en vue d’avoir un nouvel enfant ou tout du moins s’occuper avant tout d’elle-même au lieu de perdre son temps et son énergie à porter la dépouille de son défunt rejeton.

Seulement voilà l’attachement de la femelle chimpanzé pour son petit à une conséquence inattendue, à savoir un détresse et/ou tristesse et/ou refus vis-à-vis à la mort de son enfant et là nous avons ce qui s’apparente à un «Sprandel» c’est-à-dire une «extension» comportementale et/ou psychique non-adaptative. Et voilà comment des caractéristiques comportementales bien humaines peuvent s’expliquer évolutivement avec correspondance phylogénétique chez nos plus proches cousins, sans que l’on doive chercher des «raisons adaptatives» à ces caractéristiques à proprement parler!

Et la dérive génétique dans tout ça?

C’est une bonne question, notre psyché étant également affecté (même de manière «non-linéaire» et complexe) par notre génome, alors quelle rôle aux changements aléatoires de fréquences alléliques affectant certains comportements et/ou prédispositions comportementales? Pour entrevoir cela faisons un petit détour «adaptationniste» autour d’une célèbre pathologie de l’esprit à savoir la dépression.

En effet certains scientifiques avaient proposé une hypothèse selon laquelle la dépression aurait une origine adaptative avec grosso modo l’idée selon laquelle la dépression permettrait de prendre de meilleures décisions. [17] Le tout en s’appuyant notamment sur le fait que la dépression serait favorisé par certaines particularités génétiques (allèles prédisposant à des états dépressifs sans toutefois obligatoirement débouché sur des dépressions l’environnement a aussi son mot à dire de plus en soulignant les débats et incertitudes autour de la question de pareils allèles prédisposant à la dépression). Or bien évidemment cette explication est purement spéculative et a même été contesté par le biologiste Jerry Coyne (que l’on ne peut pourtant pas qualifier de Gouldien) et cela pour d’excellentes raisons!


La dépression? Darwin pôwaaaaaaaaa!!!!!

Mais alors si la dépression n’est pas adaptative pourquoi persiste-t-elle à des fréquences non-négligeables au sein des populations? Pourquoi de possibles prédispositions génétiques à la dépression auraient persisté au cours de notre évolution? La réponse à ces dernières questions est probablement plus simple qu’il n’y paraît, la dépression comme beaucoup d’autres caractéristiques non-adaptatives voir même modérément délétères, persiste parce que souvent les individus parviennent à s’accommoder et/ou à surmonter ce fardeau psychologique!

Ainsi les allèles qui favoriseraient et/ou prédisposeraient à la dépression ne se seraient pas forcément répandues pour des raisons adaptatives et ne persisteraient pas au sein des populations humaines actuelles parce qu’adaptatives, elles persisteraient simplement parce que malgré leurs effets faiblement délétères, les individus parviennent néanmoins «à s’en accommoder» et donc la variation non-avantageuse persiste voir même caractérise une part non-négligeable de l’humanité sans qu’elle n’ait cependant la moindre raison d’être adaptive ou darwinienne.

Conclusion:

La biologie du comportement et/ou la «psychologie évolutionniste», a bien évidemment sa place en science mais doit également bien évidemment s’ouvrir à un nécessaire pluralisme et donc ne pas se cantonner à la seule vision adaptationniste darwinienne quand bien même cette dernière a toujours son importance. La question des sprandels et de l’impact de la dérive génétique ont leur place dans ce domaine en ajoutant bien évidemment la nécessaire prise en compte de l’impact de l’environnement influant énormément la psyché particulièrement plastique de l’être humain.

PS: Je précise également que mon présent article n'est pas une attaque ou un dénigrement d'Homo Fabulus car je pense que ce dernier a déjà connaissance de la plupart des points que je soulève ici, je pense qu'il s'agit davantage d'un malentendu qu'autre chose.

Références:


[3] Michael Lynch (2010), Scaling expectations for the time to establishment of complex adaptations, Proceedings of the National Academy of Sciences

[4] Robert J. Woods et al (2011), Second-order selection for evolvability in a large Escherichia coli population, Science

[5] Jamie T. Bridgham, Eric A. Ortlund and Joseph W. Thornton (2009), An epistatic ratchet constrains the direction of glucocorticoid receptor evolution, Nature

[6] Michael S. Breen et al (2012), Epistasis as the primary factor in molecular evolution, Nature

[7] Gregory C. Finnigan et al (2011), Evolution of increased complexity in a molecular machine, Nature

[8] Stephen Jay Gould and Richard Charles Lewontin (1979), The Spandrels of San Marco and the Panglossian Paradigm: A Critique of the. Adaptationist Programme, Proceedings of the Royal Society of London

[9] Stephen Jay Gould (1997), The exaptive excellence of spandrels as a term and prototype, Proceedings of the National Academy of Sciences
[13] Lyudmila N. Trut (1999), Early Canid Domestication: The Farm-Fox Experiment, American Scientist

16 commentaires:

  1. Salut Hans!

    En effet ce n'est pas une critique puisque nous sommes d'accord sur tous les points ! Quelques nuances, rapidement seulement, car tu me cueilles à froid avec ce long article un lundi matin :) :

    - mon propos sur "la seule théorie que la science possède pour expliquer la fonctionnalité" ne visait pas particulièrement le sujet que traitait Xochipilli (l'homogamie) mais était en relation avec des échanges plus larges que j'avais eu avec lui sur d'autres billets. Dans le cas de l'article cité la fonctionnalité n'est en effet pas évidente.

    - d'accord avec toi et Xochipilli que "pléiotropie, contraintes et hasard ont une très grande importance dans l’évolution des adaptations", encore que le fait d'ajouter "très grande" devant "importance" soit à discuter. MAIS avoir une importance ne signifie pas pouvoir produire des adaptations. "Ouvrir la voie à de futures adaptations" comme tu le dis ok, mais au final ce qui décidera de la persistence de l'adaptation ou pas, c'est la sélection naturelle dans la majorité des cas.

    - "Bref l’évolution neutre a une importance souvent méconnue du grand public!" vrai sûrement aussi, mais je pense qu'il vaut mieux toujours parler d'adaptationnisme en premier et d'évolution neutre ensuite, sinon les gens ont tendance à penser que le vivant est le résultat de mutations aléatoires et c'est tout (il me semble même que les manuels scolaires de lycée avaient récemment été changés pour ne présenter que cette théorie !). C'est passer à côté de cette formidable théorie d'explication du vivant que nous a laissé Darwin.

    - sur l'existence de spandrels pas de problèmes pour moi en théorie, mais comme déjà dit à Xochipilli, pour le coup la spéculation est du côté de Gould : les critères qu'il utilise pour décider si un trait est une adaptation ou une exaption me semblent assez flous (hors cas particuliers des plumes) !

    - enfin, je suis d'accord avec ta conclusion, et j'ajouterais que la psychologie évolutionniste (la vraie !) ne fait pas de l'adaptationnisme un dogme mais plutôt une stratégie de recherche d'explications (la même chose que fait l'écologie évolutive, comportementale, en fait). Stratégie prioritaire souvent, mais si elle ne convient pas, d'autres explications sont envisagées. J'essaie de me motiver ce Noel pour faire deux articles sur la psycho evo.

    Bon donc on t'ajoute à la liste des gens avec qui boire une bière pour discuter de ça, avec Sirtin et Xochipilli !

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  2. Salut Homo Fabulus

    Tout d’abord merci pour ta réponse matinale. ;-)

    «Mon propos sur "la seule théorie que la science possède pour expliquer la fonctionnalité" ne visait pas particulièrement le sujet que traitait Xochipilli (l'homogamie) mais était en relation avec des échanges plus larges que j'avais eu avec lui sur d'autres billets. Dans le cas de l'article cité la fonctionnalité n'est en effet pas évidente.»

    Ca roule nous sommes donc d’accords sur ce point-ci! ;-)

    «D'accord avec toi et Xochipilli que "pléiotropie, contraintes et hasard ont une très grande importance dans l’évolution des adaptations", encore que le fait d'ajouter "très grande" devant "importance" soit à discuter. MAIS avoir une importance ne signifie pas pouvoir produire des adaptations. "Ouvrir la voie à de futures adaptations" comme tu le dis ok, mais au final ce qui décidera de la persistence de l'adaptation ou pas, c'est la sélection naturelle dans la majorité des cas.»

    En fait les adaptations sont «le produit» de facteurs contingents qui sont donc sélectionné parce que utiles dans l’histoire de la lignée (une adaptation a forcément été sélectionné c’est presque un pléonasme si l’on peut dire). Le déterminisme, donc le caractère non-hasardeux de la chose, étant représenté par les contraintes environnementales imposant cette sélection, donc la sélection naturelle. Par ailleurs il est donc vrai que la sélection est omniprésente et tant à faire persister les fonctions utiles qui apparaissent aléatoirement. Mais donc justement il apparait qu’un nombre non-négligeable d’adaptations requièrent des «stades intermédiaires» durant lesquels les mutations ne persistent pas parce que positivement sélectionnées mais persistent simplement par la pure loterie de la dérive génétique et donc par extension par la simple évolution neutre.

    N’oublions pas que la majorité des mutations sont neutre (ou faiblement délétères) et pourtant bon nombre persistent (même à des fréquences limités). Ces variations neutres représentent sans doute un potentiel non-négligeable dans l’évolution des lignées et dans l’apparition de nouvelles adaptations (la sélection entrant en jeu une fois qu’une fonction utile surgit). C’est justement ce qu’ont montré de récents travaux notamment sur l’évolution des protéines.

    «"Bref l’évolution neutre a une importance souvent méconnue du grand public!" vrai sûrement aussi, mais je pense qu'il vaut mieux toujours parler d'adaptationnisme en premier et d'évolution neutre ensuite, sinon les gens ont tendance à penser que le vivant est le résultat de mutations aléatoires et c'est tout (il me semble même que les manuels scolaires de lycée avaient récemment été changés pour ne présenter que cette théorie !). C'est passer à côté de cette formidable théorie d'explication du vivant que nous a laissé Darwin.»

    Je pense que c’est ici que se situe un léger désaccord entre nous. De mon côté je trouve au contraire que l’évolution neutre n’est souvent pas assez abordé, en tout cas dans les émissions scientifiques consacré à l’évolution souvent l’évolution neutre n’est pas mentionné du tout (voir par exemple ici) alors que l’on se focalise sur la sélection naturelle.

    Aussi je pense que, comme tu le dis ici, il faut d’une part mieux expliquer les mécanismes sélectifs donc darwiniens, et d’autres part également mieux expliquer les mécanismes non-sélectifs afin d’expliquer un cas comme dans l’autres comment ils sont sources d’évolution, quelles sont les différences entre ces deux mécanismes, comment ils interagissent ensemble dans l’évolution des organismes et ainsi de suite.

    (Je continue mon commentaire ci-dessous)

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  3. «Sur l'existence de spandrels pas de problèmes pour moi en théorie, mais comme déjà dit à Xochipilli, pour le coup la spéculation est du côté de Gould : les critères qu'il utilise pour décider si un trait est une adaptation ou une exaption me semblent assez flous (hors cas particuliers des plumes)!»

    Stephen Jay Gould es pourtant clair lorsque l’on lit certains de ses essais et le cas des plumes n’est pas unique (voir les exemples mentionnés ici). Par ailleurs ces concepts sont non seulement utiles pour comprendre que certaines caractéristiques n’ont pas été sélectionnés à proprement parler, mais également utiles pour comprendre comme des adaptations entièrement nouvelles, sans précurseurs apparents, ont pu un jour apparaître (voir l’exemple des osselets de l’oreille moyenne des mammifères également traité par SJ. Gould dans son livre «Comme les huit doigts de la main»).

    «Enfin, je suis d'accord avec ta conclusion, et j'ajouterais que la psychologie évolutionniste (la vraie !) ne fait pas de l'adaptationnisme un dogme mais plutôt une stratégie de recherche d'explications (la même chose que fait l'écologie évolutive, comportementale, en fait). Stratégie prioritaire souvent, mais si elle ne convient pas, d'autres explications sont envisagées. J'essaie de me motiver ce Noel pour faire deux articles sur la psycho evo.»

    Nous sommes d’accord pour dire qu’étudier la psyché sous un angle évolutif (qui comprend un aspect «darwinien»), est légitime. Ce qu’il reste cependant à déterminer c’est concrètement la viabilité de certaines des théories dans ce domaine. Car certes je ne doute pas que certaines théories et publication sont respectables et pertinentes, hélas et indépendamment des déformations qu’en font les médias, il existe également quelques personnages sulfureux que l’on entend trop souvent dans ce domaine (pensons aux théories racistes et absurdes de John Philippe Rushton, Satoshi Kanazawa, etc, etc…..). D’ailleurs j’ai du mal lorsqu’un Steven Pinker prend à demi-mot parti pour l’idée selon laquelle les juifs ashkénazes seraient génétiquement plus intelligents (en affichant cependant une nécessaire prudence sans toutefois noter les faiblesses scientifiques évidentes de ces thèses basés sur les tests de QI)! Ne voit-il pas les faiblesses et problèmes méthodologique de ces thèses qui stipulent grosso modo que la stratification sociale refléterait des inégalités génétiques? De plus certains reproches également à la psychologie évolutionniste ce qui avait déjà été reproché à la sociobiologie comme l’avait notamment souligné en son temps l’anthropologue Marshall Sahlins dans son excellent livre «Critique de la Sociobiologie».

    Aussi je pense que cette discipline devrait d’urgence séparé le bon grain de l’ivraie, chose qui devrait également être fait dans d’autres disciplines comme la psychologie et la sociologie soit dit-en-passant.

    «Bon donc on t'ajoute à la liste des gens avec qui boire une bière pour discuter de ça, avec Sirtin et Xochipilli!»

    Je tajoute aussi en espérant avoir l’occasion d’avoir de nouvelles discussions avec toi! ;-)

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  4. Re-salut Homo Fabulus

    Je viens de voir avec plaisir qu'il existe déjà des psychologues évolutionnistes désireux de faire le ménage dans leur discipline. Il leur faudrait peut-être cependant encore davantage se distancer d'une conception pour le moint étroite de l'intelligence (basée ici sur le QI et le «facteur g». Mais bon c'est encourageant espérons qu'ils arriveront à leur fin! ;-)

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  5. Re-re-salut Homo Fabulus

    Bon en relisant le lien que j'ai précédemment fourni je constate hélas que pas mal de ces psychologues évolutionnistes restent figé à une conception pour le moins limité et contestable de «l'intelligence» généralement associé au QI et au «facteur g». Certes j'apprécie cette critique des thèses stupides de Satoshi Kanazawa, mais hélas parmi les psychologues évolutionnistes de premiers plan cité par Scott Barry Kaufmann figure notamment Linda Gottredson dont les thèses sont pourtant aussi stupides qu'un Satoshi Kanazawa ou qu'un John Philippe Rushton.

    Certes j'ai conscience que cette discipline compte sans doute également de bon chercheurs et donc demeure légitime. Sans doute est-elle simplement «parasité» par quelques individus et/ou concepts fumeux! Espérons que tout cela évolue dans le bon sens! ;-)

    Cordialement

    Hans

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  6. Et bien que de commentaires... Je ne connais pas ces idées-là de Pinker donc je ne veux rien en dire. Le type est un des pontes du domaine donc je suppose que sa position n'est pas caricaturale, mais il a pu déraper.

    Beaucoup de reproches qu'on fait à la psychologie évolutionniste ne lui sont pas réservés : l'utilisation du QI pour mesurer l'intelligence par exemple, ça n'est pas parfait, mais c'est le meilleur moyen (ou le plus simple) qu'on ait trouvé pour l'instant, et ce en psychologie (non évolutionniste), neurosciences, anthropologie...

    L'embêtant avec cette discipline c'est que quasiment n'importe qui peut se déclarer "psychologue évolutionniste" (je veux dire n'importe quel psychologue qui s'ennuie un peu dans son labo), lancer une idée loufoque, et se voir reprendre dans les médias. Ca risque moins d'arriver en bio où il y a généralement besoin d'un bon bagage technique et de connaissances pour arriver à des résultats. Cela dit, la mauvaise science existe même en dehors de la psychologie et la sociologie !

    Besoin de policer sûrement (mais qui pour le faire dans les médias, la tâche est immense ?), mais comme le disait Jerry Coyne récemment, inutile de jeter bébé avec l'eau du bain (et c'est ce à quoi je réagis souvent quand on attaque la psychologie évolutionniste).

    Au fait, tu n'es peut-être pas anti-adaptationniste, mais pour Xochipilli j'en doute parfois, vu ce qu'il me répond dans un commentaire : "je pense que l’individu fait une utilisation optimale de ce qu’il reçoit comme phénotype"

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  7. Re-salut Homo Fabulus

    Concernant les tests de QI, oui les tests de QI sont des outils utiles pour détecter certaines caractéristiques et/ou anomalies cognitives au niveau individuel mais pas des mesures étalonné de l’intelligence (qui serait donc quantifiable sur une échelle unique) et encore moins à l’échelle de macro-populations humaines! Dès lors affirmer que telle population est plus intelligente qu’une autre (ainsi certains dépeignent les populations de chasseurs cueilleurs comme stupides parce qu’ayant de mauvais résultats aux tests de QI!) via la moyenne de QI des deux populations respective est une bêtise discréditant bon nombre de psychométriciens et les quelques psychologues évolutionnistes qui y adhèrent et je constate que Steven Pinker manque cruellement de critiques face à ses thèses. Et se servir de ce même QI pour soutenir que la stratification sociale reflètent des inégalités génétiques en matière d’intelligence en ignorant les apports des sciences sociales (notamment de l’anthropologie sociale) c’est tout simplement n’importe quoi (voir ici la critique détaillée d’un anthropologue social concernant la thèse de la soit disant supériorité génétique des juifs ashkénazes en matière d’intelligence). De plus ces thèses ignorent également les apports de psychologues comme Pierre Dasen plus sensibles aux aspects anthropologiques et culturels dans les tests d’aptitude et dans le développement de la psyché en général!

    « Besoin de policer sûrement (mais qui pour le faire dans les médias, la tâche est immense ?), mais comme le disait Jerry Coyne récemment, inutile de jeter bébé avec l'eau du bain (et c'est ce à quoi je réagis souvent quand on attaque la psychologie évolutionniste).»

    Oui ne jetons pas le bébé dans l’eau du bain certes mais donc soyons critiques vis-à-vis de la psychologie évolutionniste (comme l’exemple de l’étude sur la possible préférence des hommes pour des femmes qui leur ressemble) dans l’espoir que les dites critiques contribueront elles-mêmes à un perfectionnement de cette discipline, je pense notamment à s’extirper des conceptualisation du QI telles qu’elles sont effectuées par certains psychométriciens, une plus grande interdisciplinarité avec la sociologie et l’anthropologie culturelle et sociale et enfin une meilleure prise en compte du pluralisme qui existe déjà en biologie de l’évolution. Et là je pense que nous assisterons également un déclin marqué des quelques boulets qui parasitent cette discipline.

    (Je continue mon commentaire ci-dessous)

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  8. « Au fait, tu n'es peut-être pas anti-adaptationniste, mais pour Xochipilli j'en doute parfois, vu ce qu'il me répond dans un commentaire : "je pense que l’individu fait une utilisation optimale de ce qu’il reçoit comme phénotype"»

    C’est quoi un «anti-adaptationniste»? Je pense que Xochipilli comme moi-même, est simplement pluraliste, à savoir qu’il stipule simplement que les organismes font avec ce qu’ils reçoivent comme bagage génotypique et phénotypique pour le meilleure ou pour le pire, c’est ce que l’on constate plus haut avec le cornes surdimensionnés bouc ou même avec le clitoris surdimensionné des hyène et ainsi de suite! Il n’y a pas d’opposition avec le fait qu’il y ait sélection naturelle simplement un rappelle du fait que cette dernière n’explique pas toutes les caractéristiques phénotypiques ni même tous les usages que manifestent ces caractéristiques phénotypiques. Le pluralisme n’est rien d’autre que cela, prendre en compte les divers facteurs entrant en jeu dans l’évolution des organismes, les caractéristiques de ces derniers et la manières dont les organismes utilisent les dites caractéristiques. De la même manière pour expliquer l’évolution de nouvelles fonctions on prend en compte aussi bien l’importance de la sélection naturelle que celle de l’évolution neutre! Il n’est pas question d’opposer ces différents faits et concepts mais simplement de tous les prendre en compte comme il se doit! ;-)

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  9. Bonjour à tous les deux. Hans résume bien mon point de vue. Il y a pour moi deux mécanismes complémentaires: d'un côté la sélection naturelle qui ajuste graduellement les fonctions vitales (ou sexuellement critiques) et de l'autre les individus qui s'adaptent à ce qu'il reçoivent comme bagage phénotypique et en tirent le meilleur parti possible. Ce dernier phénomène est souvent ignoré, alors qu'il (parce qu'il?) est le plus évident: il suffit de regarder l'extraordinaire capacité d'adaptation des individus atteints de malformation congénitale, comme cette chèvre née sans ses pattes avant qui se déplace comme un kangourou, ou ces enfants nés aveugles qui s'orientent en écoutant l'écho des bruits qu'ils font avec leur bouche. Sans cette plasticité comportementale (et la "bufferisation" de la plupart des mutations) le monde vivant et les archives fossiles ressembleraient à une gigantesque poubelle d'essais génétique "ratés", statistiquement bien plus probables que les essais réussis. Ce n'est évidemment pas le cas et où qu'on porte le regard, aucune espèce même parmi les plus récentes, ne semble inadaptée à son mode de vie...

    Bon, on se le boit quand ce pot? Vous êtes là la première semaine de janvier? ;-)

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  10. Ma définition d'anti-adaptationniste, c'est quelqu'un qui pense qu'on peut expliquer pourquoi les êtres vivants sont adaptés à leur environnement, pourquoi leur physiologie et comportements sont fonctionnels, en se passant complètement de sélection naturelle.

    Je comprends que le phénotype d'un individu ne soit pas entièrement constitué d'adaptations. Je comprends qu'il puisse y exister des exaptions. Je comprends que l'évolution neutre soit importante pour l'apparition de nouveaux traits. Je suis d'accord avec vous sur tous ces points, pas de problème !

    Mais quand Xochipilli dit "je pense que l’individu fait une utilisation optimale de ce qu’il reçoit comme phénotype. Du coup, je pense au contraire que tous les caractères finissent par être pas mal adaptés", c'est comme s'il refusait tout rôle à la sélection naturelle dans l'apparition de caractères fonctionnels!

    Au final, notre désaccord pourrait être uniquement quantitatif : on s'accorde sur les mécanismes qui façonnent les phénotypes mais pas sur leurs importances respectives. Pour moi la sélection naturelle est encore prépondérante pour expliquer la fonctionnalité.

    Les organismes qui "font au mieux avec leur phénotype" ne peuvent expliquer que des *comportements* fonctionnels par exemple, mais n'ont aucun pouvoir pour expliquer la *physiologie* fonctionnelle.

    A+!

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  11. @Xochipilli : on a posté en même temps. Ca confirme un peu ce que je disais : notre désaccord porterait sur une différence quantitative de quels mécanismes expliquent la fonctionnalité. Et tu as l'air de réserver la sélection naturelle à la physiologie et l'adaptation cognitive aux comportements.

    Seulement, la sélection naturelle favorise les traits qui augmentent la fitness, et ce que les traits soient physiologiques ou cognitifs ! Pourquoi cette distinction ?

    Et si les fossiles ne ressemblent pas à des essais génétiques ratés c'est parce que les essais génétiques ratés sont rares (se sont moins reproduits) donc moins visibles dans les fossiles. La sélection naturelle explique très bien ça... Sans compter qu'il est dur de dire à partir d'un fossile s'il était raté ou pas, et que les fossiles ne fossilisent pas les comportements, donc ton argument paléontologique me paraît incongru pour essayer de justifier que les êtres vivants font au mieux avec leur phénotype.

    Perso je serai à l'apéro web et sciences demain jeudi, et vous ? Et je passerai aussi à l'ESPGG vendredi soir je pense, mais je ne pourrai pas rester trop longtemps. Sinon je reviens à Paris vers le 4 janvier.

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  12. Bonjour Xochipilli et Homo Fabulus

    @Xochipilli: Je pense que nous convergeons sur ces points d’ailleurs en parlant d’exaptation il me vient aussi à l’esprit la manière dont les serpents (tout du moins certains serpents) se servent de leur poumons comme «système d’écholocation» pour détecter les vibrations au sol. Si cette caractéristique peut sembler purement adaptative elle n’est probablement à l’origine qu’une exaptation, de la même manière nous ressentons les vibrations du bruit via notre ventre (là encore un exemple du regretté Stephen Jay Gould pour en venir à l’évolution des osselets de l’oreille moyenne des mammifères dans son livre «Comme les huit doigts de la main»).

    @Homo Fabulus: Encore une fois n’y a pas de raison de faire une hiérarchisation de la prépondérance de la sélection naturelle par-apport aux autres facteurs mentionnés ici ni même à les mettre en opposition. L’exaptation est source va de pair avec la sélection naturelle dans l’évolution de nouvelles fonction, tout comme l’évolution neutre et la sélection naturelle. Dis autrement ces différents facteurs sont tous nécessaires dans l’évolution c’est même la résultante de ces derniers qui permettent à des adaptations d’évoluer. D’ailleurs je te recommande de revenir à l’exemple de l’évolution des osselets de l’oreille moyenne, car tu comprendras peut-être mieux ce que Xochipilli a voulu dire dans son dernier commentaire , à savoir que cette plasticité des usages que des divers caractéristiques phénotypiques par les organismes (sprandels et exaptations) représentent une source d’innovations et de nouvelles variations qui elle-même pourra ensuite éventuellement être cooptée par la sélection naturelle). Bref sprandels, exaptations, puis sélection différents concepts, différents concept qui ensembles expliquent l’apparition «d’innovations évolutives».

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  13. Ah j'oubliais je ne serais hélas pas là à la première semaine de Janvier, impossible pas de temps ni d'argent pour me déplacer à Paris désolé!

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  14. @Homo Fabulus: pas possible cette semaine pour moi, dommage! Bon faudra programmer ça en janvier du coup. Hans, quand passes-tu à Paris?

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  15. Je pourrais peut-être d'ici l'été suivant mais pas avant car entre boulot, études et famille avec des finances serrées difficile!

    J'espère qu'un jour le C@fé des Sciences organisera quelque chose du côté de la Suisse par exemple à Genève se serait cool! Mais bon pas grave en espérant que l'on puisse tous se rencontrer bientôt!

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  16. @Xochipilli sais-tu par hasard si il y a aussi parfois des rencontres organisés plus près de la Suisse?

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